dimanche 16 juin 2019

Le poids du politique permettre à la Californie d’équiper en masse les particuliers, incitations fiscales à l’appui.

Le poids du politique

14Le modèle de valorisation de l’innovation inventé par la Silicon Valley au bénéfice de la Californie tout entière n’est pas le seul élément expliquant pourquoi le Golden State est si performant dans ce domaine et sa croissance économique si forte. Cette efficacité a été renforcée par des facteurs extérieurs, certains anciens, d’autres plus récents.
15Parmi ceux-ci, la dimension politique – en particulier le rôle joué par le gouverneur depuis son élection il y a sept ans – est incontestable. Acteur et chef d’entreprise comblé, Arnold Schwarzenegger s’est fait élire après une campagne éclair sur un thème improvisé mais qui s’est révélé visionnaire : favoriser l’innovation technologique pour faire de la Californie l’endroit le plus favorable au développement durable de la planète. « La Californie a inventé le futur à plusieurs reprises, nous allons le faire à nouveau », avait-il déclaré, il y a cinq ans déjà, à une nuée de journalistes réunis près de Los Angeles pour le lancement de son programme Hydrogen Superhighway Network.
16En réalité, cette ambition était doublement visionnaire. D’un point de vue environnemental, en 2003, le sujet climatique n’était pas autant d’actualité qu’aujourd’hui. Et pourtant, pour des raisons environnementales, Arnold Schwarzenegger a prolongé une tradition californienne datant des années 1970 lorsque l’État avait voté un premier Clean Air Act. Pendant ses deux mandats successifs, le gouverneur impose des réductions de gaz toxiques aux constructeurs automobiles – comme nulle part ailleurs aux États-Unis –, protège de nombreux sites naturels, interdit des forages pétroliers off shore et surtout impose une modernisation du réseau électrique. Une modernisation fondée sur l’efficacité énergétique qui aura évité à l’État de construire la moindre centrale depuis plus de dix ans, alors que la consommation augmente régulièrement du fait de la croissance économique.
17Aucun gouverneur aux États-Unis n’est plus actif que lui pour favoriser les énergies renouvelables. Il a récemment lancé le programme « Un million de toits solaires », qui doit permettre à la Californie d’équiper en masse les particuliers, incitations fiscales à l’appui.
18L’autre aspect visionnaire de son approche écologique tient au fait qu’elle s’appuie à la fois sur la stimulation de l’innovation technologique et sur la conviction – qu’il va progressivement faire passer auprès du tissu économique californien – que le développement durable n’est pas un fardeau pour les entreprises. Au contraire, c’est un gisement de croissance. Un credo diamétralement opposé à celui du locataire de la Maison-Blanche de l’époque, George Bush, qui a obstinément refusé de ratifier le protocole de Kyoto, persuadé qu’il réduirait la compétitivité des entreprises américaines. En effet, l’ensemble de l’action politique du gouverneur californien – aussi bien les lois et les règlements que les décisions d’ordre fiscal favorables aux énergies renouvelables – a grandement contribué à aider la Californie à se positionner en champion mondial de l’innovation verte.
19Et, de fait, la Silicon Valley a pris la tête de ce mouvement, lançant ainsi un de ces cycles d’innovation dont elle a le secret. On peut estimer que le mouvement a été véritablement lancé fin 2007, lorsque le tout nouveau prix Nobel de la paix, Al Gore, fut l’invité vedette d’une conférence consacrée aux conséquences possibles du changement climatique. Devant la crème des spécialistes de l’innovation, mais également des grands décideurs politiques et économiques de la région, l’ancien vice-président de Bill Clinton a dévoilé la manière dont il entendait poursuivre son action pour le développement durable. Une tâche, à ses yeux, bien plus captivante qu’une nouvelle course à la Maison-Blanche. Al Gore est aujourd’hui investisseur, associé de l’une des plus prestigieuses firmes locales de capital-risque, Kleiner Perkins Caufield & Byers (kpcb). Depuis un quart de siècle, celle-ci fait la pluie et le beau temps dans le financement de l’innovation technologique américaine.
20En personnifiant son engagement résolu à travers le recrutement d’Al Gore, kpcb confirme que la course à l’innovation se mène autant sur le terrain politique que financier. De fait, l’influence politique de la Silicon Valley sur l’innovation verte américaine a largement déteint sur le nouveau président américain lui-même. Bien avant son élection à la Maison-Blanche, alors qu’il venait souvent en Californie pour se familiariser avec les mécanismes de l’innovation technologique, les élites locales ont patiemment aidé Barack Obama à se forger une conviction sur l’action à mener en faveur des énergies renouvelables, puis à construire le programme qu’il a proposé pendant sa campagne, un programme qui prévoit 150 milliards de dollars d’investissements publics sur dix ans et la création de 5 millions d’emplois « verts », ainsi que l’instauration de Bourses où s’échangeraient des droits à polluer, dont le rendement financerait également les clean tech[1][1]Abréviation de clean technology, technologies propres..
21Ce programme, désormais en cours d’exécution, va constituer un retour sur investissement pour les financiers et entrepreneurs locaux, car il les encourage à financer les start-up en technologies propres les plus prometteuses. Plus de la moitié de ces investissements en capital-risque clean tech aux États-Unis viennent désormais de Californie. « Les technologies propres font la force de la Silicon Valley : d’importants programmes de recherche académique, des talents scientifiques adaptés, une main-d’œuvre compétente et bien formée », explique Vinod Khosla, considéré comme l’investisseur le plus influent dans ce domaine.
Pragmatique, la Silicon Valley s’appuie en priorité sur ses points forts, c’est pourquoi elle s’est focalisée notamment sur l’énergie solaire. Le mode de production des panneaux solaires nécessite du silicium, donc des semi-conducteurs, dont la Silicon Valley reste la capitale mondiale. Le savoir-faire industriel local et les ressources humaines disponibles ont ainsi permis à de grands acteurs de ce secteur, comme SunPower par exemple, de racheter récemment une usine de semi-conducteurs et de la convertir à la production de panneaux solaires.
Quant aux champions locaux de high-tech, ils ont pris le train en marche, quand ils ne l’ont pas précédé. Google a été certes l’un des premiers à couvrir son siège social de panneaux solaires – en aidant au passage ses salariés à s’équiper eux-mêmes –, mais la compagnie finance abondamment les start-up vertes et les programmes d’efficacité énergétique. Rien de surprenant, finalement, à ce que son pdg, Eric Schmidt, soit devenu l’un des conseillers officiels de Barack Obama en matière de développement durable.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

FUTURA SCIENCES

FUTURA SCIENCES explorer le monde https://www.futura-sciences.com/sciences/ephemerides/#xtor=EPR-63-[EPHEMERIDES]-20200701 *************...